Oh, purée… Joël Robuchon, le chef le plus étoilé du monde au Guide Michelin est parti, à 73 ans. Mais, sa cuisine ne me quittera pas. Voici 5 choses dont je me souviendrai longtemps…
Joël Robuchon ? Mais si… « Cuisinier du siècle » de Gault Et Millau en 90, meilleur restaurant au monde 1994, multi-restaurants, multi-étoilés… Les chiffres donnent le tournis. Joël Robuchon était un chef cuistot hors pair, certes, mais pour moi, il était un peu plus que ça. J’en retiens :
Pour moi, Joël Robuchon, c’était avant tout « Bon appétit, bien sûr », l’émission sur laquelle il officiait sur France 3 de 2000 à 2009. Et je regardais… très souvent ! Je les enregistrais, même* ! Je regardais déjà « La cuisine des Mousquetaires » de Maïté dans les années 90. J’avais 12 ans. Pendant les vacances, je dévorais l’émission chaque jour, notant dans mon cahier de cuisine (si si…) les recettes qui me plaisaient. Avec Joël Robuchon, c’était différent. Tout juste majeur et presque vacciné, je ne voulais pas seulement noter. Je voulais faire. Réussir ses recettes. Bien sûr, n’ayant pas une appétence particulière pour les plats bien français et/ou roboratifs, j’évitais soigneusement certains plats. Aujourd’hui, ce n’est plus la cuisine que j’aime ni celle qui me fait vibrer. Je n’ai jamais été cuisinier et ne cherche pas à l’être. Je me définis plutôt comme un « assembleur » façon anyone can cook, si vous avez déjà vu le film Ratatouille. Cela étant dit, vers la fin de sa vie, il faisait la part belle aux plats sans viandes et aux légumes vapeur.
2. L’amour du produit
Robuchon avait une bonne connaissance du produit et savait le mettre en avant. Bref, le respect du produit. Dans le choix bien sûr, mais aussi dans le travail, le temps de cuisson, les associations… Tout part de là. On a beau avoir des idées de dingue, si le produit ne suit pas, c’est dead, comme dirait une certaine chargée de communication d’un président en exercice. Même chose en photographie, si la prise de vue n’est pas bonne au départ, la retouche peut palier, jusqu’à un certain point. Depuis, j’ai gardé l’amour immodéré de certains légumes comme des petites rattes, des endives pleine terre et des salades aussi vertes qu’imparfaites.
3.Etre curieux d’ailleurs
C’est ce qui manquait un peu à (certains de) nos chefs français. Robuchon a pas mal voyagé et s’est inspiré, avec pas mal d’audace. Selon le chef toulousain Michel Sarran, les « deux pays qui l’ont influencé sont l’Espagne et le Japon. Cela se ressentait dans sa cuisine, qui mêlait à la fois un côté très latin et très sobre, voire strict », explique-t-il dans une interview à Libé (à lire ici). Il a d’ailleurs décliné ses « Ateliers » partout dans le monde, en reprenant le concept des bars à tapas. C’est ça me qui plaisait, la chaleur et la sobriété. Je crois avoir gardé cette convivialité dans ma « cuisine ». Pour ma part, c’est l’Italie et le Liban (voire la cuisine syrienne, mais je ne connais pas assez). La cuisine italienne pour sa simplicité au quotidien. Le Liban pour ses épices et ses mélanges gourmands.
4. Less is more
Moins, c’est plus, pourrait-on traduire, de l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe, également connu pour son « éloquence du silence ». Moins, c’est aussi mieux. On connaissait la purée : des pommes de terre, du beurre, du lait, du sel. Et puis, il y a eu la purée de Robuchon. Je l’ai goûtée une fois pour mon anniversaire. J’avais été vraiment impressionné de la qualité de l’ensemble du service. Ce qui est plutôt rare, car j’étais devenu chiant tatillon et très exigeant sur plein de détails. Les médisants grognaient : « du tant-pour-tant, tout le monde peut le faire. » Autant de beurre que de pommes de terres. Et bien, il fallait le faire ! Elever la purée de pommes de terres au niveau de raffinement ultime, oui, il fallait oser ! En vérité, ce n’est pas autant de beurre, il faut juste respecter quelques étapes. Allez, c’est cadeau :
Pour finir sur ce point, anecdote : à 20 ans, je devais cuisiner chez des amis pour la venue d’un homme politique. A l’époque, on m’appelait déjà le roi des pâtes, car je savais qu’un très bon plat de pâtes (al dente, avec des produits magnifiques, des pâtes artisanales et bien présentées) pouvait largement suffire. On m’a dit : « mais on ne reçoit pas une telle personnalité avec un plat de pâtes ! ». Ils n’avaient pas compris. Ils n’avaient même pas essayé de comprendre. J’étais jeune et naïf, certes, mais sûr de pouvoir transmettre une émotion gustative.
5.Dieu est dans les détails
Le diable aussi. Robuchon avait le souci du détail, de l’harmonie des plats, mais aussi du dressage de la table comme celui de l’assiette. C’est l’un des premiers à avoir dessiné ces fameux « petits points » de sauce autour de l’assiette. Bon, ok, c’était très nouvelle cuisine et ça a finit par nous gonfler, mais à l’époque, la plus value en jetait un max ! J’ai donc gardé cette attention particulière au détail, dès le plus jeune âge. Lorsque je recevais mon amie à dîner dans mon studio parisien, exigu, sous les toits (toujours Ratatouille…à, je mettais une belle nappe blanche, un petit pot de sel de Guérande, un moulin à poivre, des bougies de beaux verres à vin, une musique agréable et non entêtante et… mon plat de pâtes !
Pour autant, si les hommages fleurissent aujourd’hui pour ce chef aux 32 étoiles, je n’oublie pas sa dureté en cuisine et ses collaborations multiples avec l’industrie agro-alimentaire (Fleury-Michon, Ariake…) et ses fameux « plats cuisinés gastronomiques ». Des partenariats « win-win » (ou presque), « savoureux », au moins autant que ceux de Jean-Pierre Coffe. Néanmoins, sa contribution à « remettre les français en cuisine » dépasse largement cette petite anicroche, que vous me pardonnerez, enfin j’espère !
* autre époque, autres pratiques… le replay n’existant pas en l’an 2000, année à laquelle les voitures étaient censées voler, je le rappelle !
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