Sous la menace du coronavirus (ou covid-19) et de confinement des citoyens pour 15 jours au moins, les rayons des supermarchés et hypermarchés sont dévalisés et les stocks se font, qu’on le veuille ou non. Avec plus ou moins de bon sens ! En ces temps de crise, quels sont les bons réflexes pour garder un équilibre nutritionnel satisfaisant si l’on doit rester chez soi ? Pour faire les bons choix, 10 conseils de votre diététicien.
Avant les 10 conseils pour l’équilibre nutritionnel en temps de coronavirus, légère mise au point, car la pandémie de fake news menace aussi :
– il n’y a aucun régime alimentaire qui peut « guérir » du coronavirus. AUCUN. AUCUN. AUCUN ;
– boire du lait chaud ne tue pas le coronavirus ;
– manger de l’ail cru ne tue pas le coronavirus;
– se frotter à l’huile de sésame, ne tue pas le coronavirus ;
– boire du thé ou une boisson chaude ne tue pas le coronavirus ;
– la vitamine C, n’est pas, à elle seule, un moyen de traiter ou prévenir l’infection du coronavirus. Donc, les supplémentations à 2 g par jour sans suivi médical, stop.
Seuls les gestes barrières comptent, à savoir le premier d’entre eux, rester chez soi. Stare a casa.Je ne suis pas médecin ni virologue, mais il me reste encore un peu de bon sens.
Concernant l’alimentation, le coronavirus et l’immunité, j’y suis récemment revenu dans un post complet sur le sujet, pour soutenir (et non booster) le système immunitaire.
1.Ne pas zapper les fruits et légumes
C’est le premier réflexe qui s’est traduit par « les rayons absolument déserts » (en mode « BFM ton inquiet »). On constate que les rayons de pâtes, de riz, de sucre sont ciblés en priorité. C’est logique, car il s’agit d’aliments dont l’énergie est directement disponible. Comment juger ? Ne pas juger, justement, car c’est une peur archaïque qui se réactive. Une peur humaine donc, la peur de manquer, qui nous touche tous.
Néanmoins, on oublie les fruits et légumes. Normal, « c’est du frais », « ça ne se conserve pas ».
Nuançons.
D’une part, ce sont des aliments riches en fibres (diversité du microbiote), vitamines, minéraux et surtout, en antioxydants, des substances qui nous protègent de l’effet délétère de l’excès de radicaux libres (qui font « rouiller » nos cellules). D’autre part, les vitamines hydrosolubles (comme la vitamine C), on ne les garde pas longtemps dans notre organisme. Il faut donc les apporter régulièrement via l’alimentation.
Conseil nutri + : gardez une partie en frais (pommes à croquer, carottes à râper…) pour les premiers jours (plus c’est frais, mieux c’est) et faites des poêlées de légumes ou des compotes (natures, ou dans les gâteaux, miam), avec l’autre partie. Stockez au réfrigérateur et/ou au congélateur.
Ps : les fruits et légumes bios bien frais ont une teneur en antioxydants de 35% supérieure (en moyenne) aux fruits et légumes conventionnels. Cela est important, notamment sur votre statut en antioxydants était insuffisant avant une éventuelle mesure de confinement.
Important : les fruits et légumes sont riches en eau, jusqu’à 95% de leur composition. Donc, si vous négligez la consommation de fruits et légumes frais, il faudra donc adapter votre consommation en « eau liquide ». Boire davantage, concrètement.
2.Miser (aussi) sur les céréales complètes et légumineuses
Même chose. D’une part, bien qu’on les trouve un peu partout, certaines céréales/pseudo-céréales (quinoa, épeautre, sarrasin…) ou légumineuses (haricots rouges, pois chiches…) ne sont pas encore dans le répertoire alimentaire des français.
Pourtant, elles ont chacune leur utilité.
Elles sont souvent plus riches en protéines, en fibres (régulatrices du transit) et en minéraux que les céréales dites « blanches » (riz blanc, pâtes « classiques…). D’autre part, comme leurs teneurs en minéraux diffèrent… variez ! Au lieu de prendre 4 kilos de riz blanc, tentez un paquet de trio de quinoa, un paquet de riz semi complet (ou de riz blanc), un paquet de lentilles, un autre de sarrasin. La santé est dans la diversité (idem pour la santé mentale).
Conseil nutri + : Si avez le temps, faites-les tremper une nuit (les légumineuses) pour augmenter leur potentiel nutritionnel. Et surtout, mastiquez-les à fond pour optimiser la digestion, et surtout, en ces temps de crise de coronavirus, leur assimilation. Et bien sûr, bio si possible car c’est dans l’écorce que se concentrent les pesticides.
Recette facile à faire : houmous au citron vert
3.Tenter les oléagineux
Les oléagineux, ce sont les amandes, les noix de cajou, les pistaches, mais aussi, les noix, les graines de lin ou de courge, plus locales.
Pourquoi ? Parce qu’elles se conservent vraiment très bien, qu’elles sont riches en protéines, en fibres et minéraux (potassium, calcium, magnésium, selon…), et surtout, en matières grasses végétales de qualité, si on les choisit non grillées et non salées. Vous pouvez aussi les consommer sous formes de purées (d’amandes, de sésame, de noisettes). Préférez-les « blanches » plutôt que « complètes » quand c’est possible (moins de facteurs antinutritionnels).
Conseil nutri + : Mastiquez, car leurs fibres peuvent irriter la muqueuse intestinale pour certain(e)s d’entre vous. Faites-en tremper une partie pendant 6/8 heures. Et si vous aimez, keep it that way ! Sinon, croquez-les, gardez-les en bouche pour en faire de la bouillie et profiter de leurs arômes.
4.S’autoriser les fruits secs
Les fruits secs sont des fruits frais qui ont été séchés (à l’air libre, ou au four) : banane, abricots, raisins…
Donc, ils perdent beaucoup de leur vitamine C, sensible à la chaleur (mais aussi à l’air et à la lumière), mais, vidés de leur eau. Par conséquent, la teneur en minéraux est nettement plus concentrée (potassium, calcium, phosphore, selon…) par rapport à leur poids.
Conseil en + : toujours bien mastiquer. Particulièrement important, d’autant plus que le plaisir n’est qu’en bouche ! Les fruits secs se prêtent bien à une dégustation en conscience, j’y reviendrai.
Important : la couleur des « vrais » abricots secs = marron. Pas « orange Trump », vaporisés d’anhydride sulfureux, lequel porte bien son nom. Sulfureux.
5.Choisir ses matières grasses végétales
On les oublie aussi… C’est peut-être même le moment de découvrir d’autres variétés que l’huile d’olive, dont la demande a tellement augmenté que la plupart des étiquettes mentionnent « UE/non UE », même en magasins bio.
Misez sur des huiles équilibrées et peu chères comme l’huile de colza (en assaisonnement), sinon des mélanges d’huilesqui permettent de couvrir vos besoins assez facilement, ou, si votre budget le permet, des huiles riches en oméga 3 (des acides gras polyinsaturés, plutôt cardio protecteurs) comme l’huile de lin (la championne), de chanvre ou de cameline.
Conseil nutri + : plus les huiles sont riches en oméga 3, plus elles sont sensibles à la cuisson. Gardez-les pour l’assaisonnement et misez sur l’huile d’olive pour la cuisson.
Mon + : c’est le moment de faire du ghee. C’est un beurre bio clarifié, dont on extrait l’eau et le lactose. Il se conserve trois semaines à température ambiante et peut servir pour des tartines comme pour la cuisson. Facile à faire, je vous mets une recette ici.
6.Tester les graines germées
Il s’agit de graines… que l’on fait germer… Il faut les faire tremper une nuit dans l’eau, puis les mettre dans un germoir (ou un bocal à trou si vous n’en avez pas), les rincer le matin et le soir et… attendre que ça pousse. Selon les espèces, cela prend de 48 h à 4 jours environ. Ça ne prend que quelques minutes par jour ! On les trouve en magasin bio.
Nutritionnellement : les graines souvent riches en protéines végétales. La germination augmente la teneur en polphyénols de la graine et diminue au passage certains inhibiteurs (phytates) qui perturbent notre digestion. Fenugrec, top pour les protéines végétales. Lentille germée (assez équilibrée + teneur intéressante en potassium, minéral important pour les sportives/sportifs, lupin (pour la vitamine B9, folates), blé germé (fer et bonne teneur glucidique aussi)…
Conseil nutri + : : pas de cuisson ! Sur des salades, des soupes froides ou des tartines de ghee !
7. Recourir aux conserves
Elles font du partie du réflexe : « les conserves, ça se conserve ». Logique. C’est fait pour ça : stérilisation rapide + mise en conserve à Ultra Haute Température (UHT). Je n’insiste pas. Bien sûr, ces traitements thermiques sont à l’origine d’une légère perte vitaminique. Mais par exemple, pour les lentilles, le jus de cuisson est consommé, ce qui limite la déperdition des minéraux hydrosolubles (solubles dans le liquide de cuisson). C’est peut-être aussi le moment de choisir des poissons gras comme les sardines, les maquereaux ou les anchois.
Conseil santé + : le bon contenant. Si possible, du verre. Si c’est du plastique, pas de surchauffe au micro ondes. Privilégiez les conserves en fer-blanc plutôt qu’en aluminium. Sur la question de l’aluminium, je vous renvoie à cet article complet et sourcé d’Anthony Berthou.
9.Adopter le surgelé (pendant un temps)
Logique. Ça se conserve bien et les pertes sont minimes (même s’il y en a, notamment en vitamine C). La surgélation, c’est un procédé utilisé par les professionnels où les denrées sont refroidies très vite (T°<-18°C) pour mieux conserver les aliments. La congélation, c’est plutôt chez nous (T°<-12°C). C’est plus lent et plus progressif, avec notre congélateur.
La différence ? La qualité organoleptique (toutes les qualités sensorielles de l’aliment, ndlr). Lors de la surgélation, l’eau va se cristalliser en micro cristaux, ce qui va permettre de réduire l’exsudation (lorsque l’eau intrinsèque de l’aliment s’échappe lorsque l’aliment est réchauffé). Pour la congélation, les cristaux sont plus gros, les parois cellulaires de l’aliment remis en température se détériorent. D’ailleurs, ça se voit souvent à l’aspect visuel de celui-ci.
Conseil nutritionnel + : plutôt des fruits et légumes sous forme brute, pour éviter l’ajout de sauces et/ou d’additifs. Si vous n’avez pas le temps de cuisiner, 4 enfants à la maison + du télétravail, misez sur les poêlées de légumes.
NB : le poisson gras surgelé, au bout de 3 mois, ne contient presque plus d’oméga 3.
9.Oser les produits lacto-fermentés
Choucroute, yaourts, miso, kéfir, kombucha, cornichons, pain au levain naturel…
Rien à voir avec le lactose. La lacto-fermentation fait intervenir les bactéries lactiques (qui se trouvent déjà dans les aliments). Celles-ci vont se développer dans l’eau d’un bocal fermé et se nourrir des glucides des aliments, qu’elles vont transformer en acide lactique. Ce dernier va s’accumuler, acidifier le milieu et donc empêcher le développement des bactéries pathogènes et des germes (moisissures…).
Sans cuisson (et donc, moins de pertes de vitamines sensibles), les aliments se « stabilisent » ainsi. On peut donc les conserver plusieurs semaines ou mois, à condition qu’ils bien hermétiquement fermés. Ils ne contiennent pas de phytases (un inhibiteur) et contribuent à une bonne digestion et donc, à un regain de vitalité.
Et la vitalité, en temps de crise, constitue une ressource précieuse. Nous en avons besoin pour soutenir notre capacité de copying, notre capacité à « faire face » aux évènements.
DIY. Do it yourself. Faites-les vous mêmes dès ce soir : chou rouge fermenté, betteraves rouges ou carottes fermentées. Il vous faut un bocal du sel, de l’eau et… Du temps. Mettez votre céleri ou vos betteraves dans le bocal, versez la saumure dessus (10 g de sel pour 300 ml d’eau), couvrez. Fermez le bocal. Patientez 8 jours à température ambiante. Puis, placez-le au réfrigérateur pendant 2 à 3 semaines. Si le bocal est mal fermé, ça sent mauvais (donc, hop au compost !).
Ps : il faut apprécier le goût acidulé, voire acide, voire piquant.
10.Comment manger équilibré ?
Ah… THE question. Avec ces 9 conseils, vous avez déjà une idée, non ? Mais l’équilibre alimentaire à lui seul pourrait faire l’objet d’un livre ! Compliqué de résumer ! Retenez déjà la variété et la diversité dans les familles alimentaires. Pour le reste, je vous donne rendez-vous dans une vidéo sur l’équilibre alimentaire, que je publierai dans les toutes prochaines heures.
Article non exhaustif. Il y avait encore d’autres choses à dire, comme peut-être préciser qu’une carence en certains nutriments/vitamines/minéraux ne se joue pas en 2 semaines mais au bout de plusieurs mois.
Gageons aussi que la situation du coronavirus nous incite à la mesure, à la modération, au recul, et pourquoi pas à réfléchir à la question de notre autonomie/autosuffisance alimentaire, à l’heure d’une mondialisation « grippée ». Charité bien ordonnée commence par soi-même. Donc, je m’y mettrai dès ce soir.
Restons en contact ! Mais avec les distances de sécurité. N’hésitez pas à me suivre sur mon compte Instagram pour d’autres conseils, me poser des questions ou m’indiquer des thématiques importantes pour vous.
A très vite,
Restez chez vous, sauvez des vies.
Charles Brumauld.