Courir sur tapis de course semble plus facile physiquement que sur le sol. La foulée sur bande roulante facilite le rythme. Pour en savoir plus sur les spécificités du running façon bande roulante, j’ai soumis Clarisse Nénard, experte du sport-santé, à la question.
Charles : Quelles sont les spécificités du « courir sur tapis » par rapport à la course en milieu naturel ?
Clarisse : Courir sur tapis est plus facile. Un tempo plus régulier, ce qui facilite le travail en aérobie, la fréquence cardiaque est plus basse. On n’est pas confronté à la résistance au vent, aux variations de terrain (sentier, terre avec gravillons, petits cailloux, devers, racines, etc.) Un peu comme si l’on roulait sur une autoroute en 6ème du début jusqu’à la fin. C’est linéaire. En milieu naturel, il faut accélérer, décélérer en fonction des éléments extérieurs rencontrés. Les sensations sont totalement différentes. Sur un tapis de course, nous sommes dans un espace confiné, sans paysage qui défile. C’est monotone. Si l’on n’arrive pas à s’évader via la musique, une monotonie, une lassitude mentale s’installent… Dehors, il est beaucoup plus facile de s’échapper, de déconnecter. On ressent une certaine liberté.
Pour courir sur un tapis, est-ce que la technique diffère ?
Absolument. En extérieur, c’est toi qui dirige la foulée. Ce sont les jambes qui créent la force de propulsion et donnent l’impulsion pour aller vers l’avant. Sur le tapis c’est son moteur, la bande roulante qui amène et gère la foulée. C’est comme si tu mettais un régulateur de vitesse. On se laisse porter par la vitesse imposée et on ne se fie plus trop à ses sensations. Il y a une certaine absence de progression horizontale. La phase de propulsion est amoindrie… Les ischios-jambiers sont moins sollicités. Même si rien n’est encore prouvé scientifiquement, on pourrait schématiser en disant que la foulée est plus « verticale » et moins « horizontale ».
Et donc, la course sur tapis a une conséquence sur l’amorti…
Oui. A une certaine vitesse sur le tapis, à partir de 12-13 km/h selon les capacités des coureurs, on commence à taper fortement avec le pied. Les 1 à 2% d’inclinaison que l’on doit mettre sur le tapis permettent de se rapprocher des conditions en extérieur. Côté impacts, le tapis de course est moins traumatisant que le bitume, mais rien ne vaut les chemins forestiers.
Même avec l’arrivée d’une nouvelle génération de tapis de course ?
Ceux sans moteur comme le Sprintbok (↑↑↑) et le Skillmill de Technogym fonctionnent et sont contrôlés grâce à la force exercée par le coureur. Ils suivent le rythme que tu leur donnes. Si l’on peut choisir le niveau de résistance, c’est nous qui faisons accélérer le tapis en nous déplaçant vers l’avant…. Ils permettent de retrouver une foulée naturelle en intérieure. Et ils sont top pour faire des séances de fractionnés avec une accélération et décélération hyper rapide !
Peut-on faire de « longues » sorties sur tapis ?
Rien ne vaut de courir en extérieur sur des sentiers, chemins… Toutefois le tapis reste un moyen d’entraînement complémentaire. Si l’on est entouré de bitume, que l’on n’a pas le temps de se rendre sur du bon terrain, que les conditions climatiques sont mauvaises, que l’on n’a pas envie d’attraper froid… c’est toujours mieux que rien. Le tapis est à la course à pied ce que le « home trainer » est au vélo ! L’effort fourni en outdoor sera toujours plus dur que celui effectué indoor.
Pour mes petits loupiots d’internautes, quels sont tes conseils ? Quelle est la « bonne façon de courir sur tapis »?
Oui, pour courir sur tapis, il faut au moins une check list de 10 conseils !
- D’abord, réglez l’inclinaison de 1 à 2% afin de s’approcher un peu plus des conditions de course en extérieur.
- Accordez-vous une phase d’adaptation de la foulée et d’équilibre. Courir sur une bande qui déroule sous les pieds peut être déstabilisant.
- Si vous êtes débutant, commencez à faible allure, en marchant rapidement et/ou en trottinant afin de trouver votre équilibre sur le tapis.
- Gardez le buste droit afin de conserver le centre de gravité dans l’axe de la colonne vertébrale. Trop en avant ou en arrière, il y a donc une forte chance de perdre l’équilibre.
- Ne mettez pas une inclinaison ni une vitesse hyper élevée au point de devoir vous accrocher aux « bras » du tapis de chaque coté afin de tenir la cadence… Cela ne sert à rien d’aller plus vite que la musique. D’autant plus que vous risquez de vous blesser ou de tomber. Soyez toujours progressif dans vos entraînements.
- Ne vous accrochez pas aux bras ni à la console. Ce n’est pas fait pour vous aider à tenir la cadence. Les bras doivent être avec un angle de 90°, comme si vous étiez en extérieur.
- Prenez de la distance avec la console, n’y soyez pas collé au risque de mordre sur la structure du tapis…
- Ne regardez pas en bas ni vos pieds, vous risquez de courir courbé. Regardez droit devant vous.
- Echauffez-vous. Marchez ou courrez tranquillement à un rythme facile pendant 10’.
- Ne stoppez pas brutalement, même s’il est facile de descendre du tapis. Respectez toujours une phase de retour au calme de 5-10’ pour reprendre votre souffle, laisser le temps de refroidir la machine, à votre fréquence cardiaque de descendre, et d’éviter ainsi la tête qui tourne, un malaise vagal ou encore des arythmies cardiaques.
Merci à Clarisse, pour ses réponses argumentées et construites ! Vous pouvez la retrouver sur sa page Facebook. Pour celles et ceux qui veulent sortir des sentiers battus, voici des idées de workouts sur tapis de course (en anglais) :
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