Good vibrations
C’est long. Je me mets sur le dos et poursuit en battements, le temps de réfléchir. Surprise, je vais aussi vite que ceux qui me suivaient. Je me recale en nage libre et me recentre sur les sensations, le bonheur simple d’être là, d’éprouver des émotions agréables et moins agréables, de nager librement en mer, sans l’étourdi qui ne sait pas nager en épingle. Les chevaux indisciplinés du mental se relâchent, je commence enfin à prendre un peu de plaisir. Il était temps ! Ma montre indique 54’55. Je commence à chercher la dernière bouée rouge, celle que l’on contourne par la droite, avant le sprint final…
Je scrute, tel un suricate perché sur ses pattes. Toujours rien. A côté, on en parle aussi, en groupe : « elle est où ? ». Perplexes, les forçats des mers reprennent la route. Je décide de suivre le sillage d’un palmipède à grosse voilure qui me dépasse. Derrière ses bulles de Perrier qui roulent le long de mon visage, j’essaie de m’économiser. Fausse alerte, la boule rouge était en fait un kayak de l’organisation. On aime. Le chrono ? 1’07. Adieu mon objectif. Je lève la tête une dernière fois, ôte mes lunettes pour être sûr : « elle est là, putain de bouée ! ». Je n’ai pas pensé autre chose, sans doute avec l’accent local d’ailleurs. Allez, on met les cannes, on s’applique dans les appuis, on s’aligne, on augmente la fréquence de bras… Beast mode ON ! Je dépasse quelques poursuivants, de plus en plus nombreux. Impression d’avoir fait la course tout seul et que tout le monde se retrouve pour le banquet final. Allez, un coup d’oeil au chrono, je passe la bouée et j’aperçois les tentes du village… Swim, Charly, swim !
Sprint !
Mettons le feu à ces derniers 400 mètres ! On va voir qui est sprinter, les cocos ! Je mets tout ce que j’ai dans les jambes et file droit vers la ligne d’arrivée. Mourir sur scène, non merci. Mais en tapant sur ce panneau comme les champions de la nage libre, hell yeah ! Le chrono égraine les secondes, 1’18, pas que 100 mètres !Plus d’oxygène, épaules saturées, cuisses explosées… Il est temps de débrancher le cerveau et d’explorer cette dark place (avis à mes amis CrossFitters, vous n’en avez pas le monopole!). Je mouline, je ventile, je turbine… Encore 10 mètres, les meilleurs… Je tape sur ce panneau comme pour les championnats du monde. Fini ! Plus d’air, je rampe sur le sable caillouteux, du mal à comprendre : la foule, l’arrivée, les vagues… Ah, oui, arrêter mon chrono !
Verdict ? Très content de mon chrono : 1’18 et 53 secondes. C’était le mieux que je puisse faire vu mon état de forme. Au passage, Julien Sebire s’adjuge la victoire en 48’30 en mono-palmes. Ça trace. Pour les bi-palmes, Nicolas Deconstantzti (appelez-le Nico, ce sera plus simple) a pris le meilleur sur ses concurrents en 55 minutes et 10 secondes. Et pour cause, le défi de Monte-Cristo est estampillé épreuve Coupe de France de natation. Sinon, c’est toujours merveilleux d’être au contact des éléments. Mark Foster, ancien nageur de haut niveau, me disait il y a quelques jours : « c’est le seul sport au monde où tu oublies ton poids… ». Bon, ok, il avait fait abstraction des sports mécaniques et de la chute libre. Au final, une très belle épreuve, à ne pas prendre à la légère (30 abandons cette année, hum), surtout quand les conditions météos se compliquent.Et puis, on peut toujours se la jouer derrière notre compte Instagram façon « je vais faire du sport, #motivation« , mais une épreuve comme celle-là, pas de triche possible. C’est toi. Et toi.
J’ai eu énormément de chance. Cela faisait trois ans que je voulais vivre l’expérience du défi de Monte-Cristo : 5 épreuves sur 6 ont été annulées ce week-end, à cause de la proximité avec la Fan-zone (on en parle, de l’euro ?#tropdeg) ou des conditions météo le dimanche. Autour d’un verre de rosé (et oui !), l’organisateur de la course, un ancien poloïste (pratiquant de water-polo, ndlr) me confie qu’il pourrait y avoir bientôt des départs différés selon la taille de la voilure des palmes. Good point. Je lui fais remarquer que j’ai perdu du temps car le couloir de nage était trop large. Sa réponse : « oui, mais c’est ce qui fait la beauté et le sel de cette course. Ceux qui veulent des repères avec des lignes d’eau, il y a plein de piscines ! Là, c’est du wild swimming ! ». « Nager sauvage ». Finalement, pas plus mal que cela reste ainsi !
Infos sur le site du Défi de Monte-Cristo (pour les inscriptions, rendez-vous le 1er février 2017 : les places partent en… 15 minutes chrono !)