Paris-Dakar à vélo, c’est possible. Le 15 mars dernier, l’aventurier breton et ancien cycliste élite Stéven Le Hyaric a parcouru la « trace » mythique, de Paris à Dakar. Sans auto ni hélico, mais avec son vélo. Au menu, 5 625 km, 26 k 000 de dénivelé positif, 5 pays traversés (France, Espagne, Maroc, Mauritanie et Sénégal) et des températures de 0 °C à 50°. Outre le record du monde en moins de 20 jours, l’objectif était d’éveiller les consciences sur le dérèglement climatique et la désertification. De quoi mettre Pascal Praud en PLS. On a parlé de l’épreuve physique de Stéven, du vélo de Stéven, mais pas de la nutrition de Stéven. Entre bidons, bananes et sandwich au chameau, interview nutri d’un fou de la vie.
Charles : Quel mangeur es-tu ?
Stéven : Je mange beaucoup depuis ma carrière de vélo. J’ai toujours été gourmand et mangé ce que j’aimais. Hum, avec toute de même cette « légère » déformation professionnelle : au delà du plaisir, l’alimentation doit être un carburant efficace pour moi. Donc, j’essaie de manger complet quand je peux, souvent protéiné. J’ai tenté de supprimer les sucres rapides, mais ça n’a servi à rien sauf à me dérégler psychologiquement. J’ai tout essayé, des régimes hyperprotéinés, sans sucre, des jeûnes… Ce qui me convient le mieux est d’être dans l’équilibre et de manger ce dont j’ai envie.
Des allergies, intolérance ou régime particulier ?
Pas d’allergies ni d’intolérances. Je ne bois pas de lait, parce que je n’ai jamais aimé ça. J’avais supprimé le gluten quand j’étais coureur cycliste. Ça avait très bien marché, mais aujourd’hui, quand je suis à bloc dans mes projets, je préfère manger ce que j’ai envie de manger, quitte à ce que ça soit parfois vraiment moins intéressant du point de vue nutritionnel (euphémisme). Pour une athlète d’ultra-endurance, c’est sans doute un peu particulier de ne pas manger de viande. Mais c’est comme ça, pour des raisons aussi philosophiques que spirituelles. Sur ce défi, j’ai pris très peu de poisson, parfois des œufs, jamais de viande, sauf quand je n’ai pu faire autrement, après une étape de plus de 300 kilomètres.
Et pour ton aventure de Paris-Dakar à vélo, en quel mangeur t’es-tu transformé ?
Pour Dakar, j’avais décidé d’être en autonomie totale. Donc, impossible d’emporter 50 kilos de nourriture et de perdre du temps. J’ai essayé de gérer au mieux, en m’arrêtant dès que je pouvais, en consommant l’équivalent de 8 à 10 000 kcal par jour. Des produits Punch Power de mon partenaire, des boissons énergétiques, des barres, des nougats. Néanmoins, j’étais vite dégouté du sucre, au bout de 4/5 heures de vélo. Du coup, J’essayais de commencer mes journées par du salé, puis du sucré pour être efficace en fin de journée.
Comment as-tu fait pour t’alimenter et t’hydrater ?
Pour l’hydratation, j’avais deux bons bidons d’un litre. Parfois une bouteille de 500 ml en plus dans la poche arrière, mais c’est compliqué de porter trop de trucs lorsqu’on est en autonomie complète. Je buvais/mangeais environ toutes les heures. La qualité nutritionnelle dépendait vraiment des endroits où je m’arrêtais. Parfois le midi pour manger avec mes cameramen, des sortes de paninis, sur la route, surtout au Maroc. En France et en Espagne, souvent un sandwich et une ou deux bananes que j’emportais. Chez l’habitant, je me préparais des petits sandwichs le matin. A Nouakchott (Mauritanie), une famille d’expatriés m’a fait des crêpes de différentes saveurs, le bonheur ! Le schéma était souvent le même : un bon petit déj tôt le matin, puis pause déj’ vers 14/15 heures, puis, un encas vers 18/19 heures pour tenir jusqu’à la fin. J’avais quand même des journées de 10 à 15 heures d’effort !
Et le soir, tu arrivais super tard, tu mangeais quoi ?
J’essayais de refaire mes stocks de glycogène (pâtes, riz), de manger protéiné avec des œufs pour réparer mes lésions musculaires. Un peu de poisson au Sénégal. Mais j’étais tellement cramé que je n’avais plus envie de dessert. Des œufs, du pain et dodo direct.
Bon, et le transit sur ton transat, on en parle ?
Ecoute, franchement, ça allait à peu près, contrairement à l’Himalaya (2000 k, 90 k de dénivelé positif, ndlr) où j’avais eu de gros soucis digestifs, notamment à cause des épices. Sur le Paris-Dakar à vélo, j’ai parfois eu le ventre gonflé, des ballonnements, mais l’épreuve était tellement physique que l’effort et l’intention ont pris le dessus sur les petits désagréments.
Je vois beaucoup de nourriture transformée et sucrée sur tes photos. C’était tout ce que tu trouvais? (sans parler des emballages, hein)
Oui, pas mal de nourriture ultra-transformée, malheureusement. Parfois, je n’en avais vraiment pas envie. Il y avait une équation compliquée à tenir entre envie/disponibilité du produit et budget. En Espagne, j’ai eu une belle surprise de Lidl, dont les sandwichs étaient plutôt frais et bien composés. Je suis parti de Paris avec des oléagineux, des noix etc, mais je les ai vite consommées et ce n’était pas évident de les manger sur le vélo. Au Maroc, ils te disent de manger des dattes, mais je faisais gaffe à pas faire d’hyper /hypoglycémies. C’était souvent transformé/plastifié, à mon grand regret. La solution qui m’a sauvé plusieurs fois : choper des bananes ou des oranges dès que je pouvais. Il m’est arrivé de me supplémenter en vitamines Punch Power et de prendre un cocktail de vitamines en pharmacie, en Espagne. Ça a fonctionné pour moi, même si je ne suis pas sûr que les vitamines soient vraiment assimilables sous cette forme.
Ton pire souvenir nutri sur ce Paris-Dakard à vélo ?
De loin, c’était ce sandwich au chameau après la frontière mauritanienne, dans une station essence. Sinon, pendant tout le Maroc, je demandais « sans viande », et on me donnait des tajines poulet. C’était même devenu un running gag : « sandwich poulet ou tajine poulet ? » J’en avais marre !
Ton meilleur souvenir nutri pendant l’aventure?
Les repas du matin, pris seul, dans le calme, avant une très longue journée. Sinon, à Rabat, chez Pierrick, il avait mis les petits plats dans les grands, avec des riz, des œufs, du pain, tout ce dont je rêvais sur la table (ou presque !) pour préparer la grosse étape (300k) vers Marrakech.
Avec le recul, qu’aurais-tu pu améliorer dans ce « protocole nutri à la wanagain »?
Probablement un peu tout. Peut-être tenter le lyophilisé pour optimiser certains apports, être plus régulier dans mes prises alimentaires. Mais la souffrance physique a souvent pris le dessus et j’avais, dans ces moments-là*, besoin et envie de me faire plaisir. Ça m’est arrivé de manger n’importe quoi. Oui, j’aurais pu faire mieux, surtout au niveau hydratation, mais je ne pouvais pas emporter 5 litres d’eau non plus sur mon vélo. Cela étant dit, je ne me suis jamais senti mal. J’ai fait pire par le passé !
Le meilleur est avenir. Tes plans ?
Le Paris-Dakar à vélo était un prélude à projet plus vaste, le 666 Project. La traversée de 6 déserts (froids et chauds), sur 6 continents en 6 fois 1 mois… Bref, je ne chôme pas !
* pour avoir suivi ses live Facebook, à 20h, sur son vélo, avec 250 k dans les jambes et des arrivées d’étape vers 23 h, il était franchement entamé, le coco.
Stéven (ne dites jamais « Stiven », malheureux!) a la bougeotte. Le Paris-Dakar à vélo, c’est derrière lui (ou presque). Pour suivre la suite de ses aventures : son site internet, sa page Facebooket son Insta.
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